Hipparchia de Maronée (DPhA III 742-750).pdf

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DICTIONNAIRE
DES
PHILOSOPHES ANTIQUES
publié sous la direction de
RICHARD GOULET
Chercheur au CNRS
III
d’Eccélos à Juvénal
CNRS ÉDITIONS
15, rue Malebranche, 75005 PARIS
2000
© CNRS Éditions, Paris, 2000
ISBN 2-271-05748-5
742
HIMÉRIUS DE PROUSIAS
H 136
(6-7). Xénophon n’avait aucune sympathie pour Platon (Or. 16, 6) ; voir Aulu-
Gelle XIV 3, 1 ; Diogène Laërce II 57 ; III 34 ; Athénée XI, 504 e, et Marcellinus,
Vie de Thucydide
27.
C’est là une tradition bien attestée, qui aurait pour origine une littérature antisocratique et
un écrit
Contre le philosocrate
d’Hérodicos de Babylonie (➳H 100), de date incertaine, mais
vraisemblablement du milieu du
II
e
s. av. J.-C. (109 J. Geffcken, « Antiplatonika »,
Hermes
64,
1939, p. 98-101). Le traité serait la source d’Athénée aux livres V et XI (voir
110
K.
Münscher, « Xenophon in der griechisch-römischen Literatur »,
Philologus
Supplbd. 13, 2,
1920, p. 64
sq.).
Il est vrai que l’on peut déceler les traces d’un débat entre Platon et Xéno-
phon (Delebecque
108,
p. 388-394) ; pour tout cela, voir l’excellent commentaire de
111
R.
Marache (édit.),
Aulu-Gelle. Les Nuits attiques
III (livres XI-XV),
CUF,
Paris 1989, p. 133,
n. 1.
JACQUES SCHAMP.
137 HIPP[-
Épicurien dont le nom avait été restitué par W. Crönert,
RhMus
56, 1901,
p. 615 (=
Studi ercolanesi,
Napoli 1975, p. 111), dans un passage des plus incer-
tains d’un ouvrage anonyme contenu en
PHerc.
118, fr. 29 :
ˆK√√%∑≤≥|ß{ä»
(➳H 149), mais Crönert par la suite rejeta cette restitution dans
Kolotes und
Menedemos,
p. 191. Cf. M. Capasso,
CronErc
12, 1982, p. 6 n. 12.
TIZIANO DORANDI.
138 HIPPARCHIA DE MARONÉE
RE
1
fl. ca
336
a
Philosophe cynique, sœur de Métroclès et épouse de Cratès de Thèbes, avec
lequel elle a vécu son union, y inclus les rapports sexuels, selon les principes de
la morale cynique.
Témoignages.
Les témoignages relatifs à Hipparchia sont rassemblés chez
1
G. Giannantoni,
SSR,
t. II, p. 577-579 (= V I). Il faut ajouter les références sui-
vantes, qui se trouvent toutes aussi dans le recueil de Giannantoni : IV H 2
(Théodore de Cyrène), V B 139, 164, 533, 573 (Diogène de Sinope), V H 19-26,
30, 88, 115-120 (Cratès de Thèbes) et V L 1 (Métroclès de Maronée). En re-
vanche, nous ne trouvons pas chez Giannantoni une mention d’Hipparchia faite
par Plutarque,
Non posse suaviter vivi secundum Epicurum,
1086 e, ni l’opinion
d’Augustin,
Cité de Dieu
XIV 20 (« De vanissima turpitudine Cynicorum »),
pour qui la consommation publique du mariage d’Hipparchia et de Cratès n’a
pas eu lieu en réalité parce qu’il serait impossible d’éprouver le désir sexuel sous
les regards d’autrui. Par ailleurs, il faut écarter la dédicace à Hipparchia que
2
E.
Zeller,
Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung,
t. II
1 :
Sokrates und die Sokratiker. Plato und die alte Akademie,
Fünfte Auflage
(Obraldruck). Mit einem Anhang von E. Hoffmann :
Der gegenwärtige Stand der
Platon-Forschung,
Leipzig 1922, p. 304
sq.
n. 4, croyait voir dans les trois pre-
miers vers du fragment 5 Diels de Cratès (= V H 71 Giannantoni ; cf. Giannan-
toni
1,
t. IV p. 565 n. 13 et p. 575-576) ; de même, il faut écarter la référence au
mariage de Cratès et Hipparchia que
3
G. A. Gerhard,
Phoinix von Kolophon.
Texte und Untersuchungen,
Leipzig/Berlin 1909, p. 209, croyait voir à son tour
dans le fragment 58 Livrea de Cercidas de Mégalopolis (cf.
4
J. L. López Cruces,
H 138
HIPPARCHIA DE MARONÉE
743
Les méliambes de Cercidas de Mégalopolis. Politique et tradition littéraire,
coll.
« Classical and Byzantine Monographs » 32, Amsterdam 1995, p. 243-246).
Biographie.
Le témoignage le plus développé sur la vie d’Hipparchia est
fourni par D. L. VI 96-98 (= V I 1 Giannantoni), qui n’est en réalité qu’un déve-
loppement inséré dans la vie de Cratès (➳C 205), comme l’a montré
5
M.-O.
Goulet-Cazé, « Une liste de disciples de Cratès le cynique en Diogène Laërce 6,
95 »,
Hermes
114, 1986, p. 247-252, notamment p. 248. D’après ce récit, Hip-
parchia, dont le nom suggère l’appartenance à un lignage noble, était née à
Maronée (en Thrace) et elle était sœur de Métroclès. Celui-ci, qui fut d’abord
disciple de Théophraste, quitta l’école péripatéticienne à la suite d’un incident
fortuit incompatible avec le raffinement de cette école qui lui fit éprouver un tel
malaise, un tel accablement qu’il se serait laissé mourir si le cynique Cratès
n’était pas intervenu pour lui montrer dans la pratique que
naturalia non sunt
turpia
(D. L. VI 94 = Cratès V L 1 Giannantoni). A partir de ce moment, il
devint l’élève de Cratès. C’est par l’intermédiaire de son frère qu’Hipparchia a
fait la connaissance du philosophe, dont elle s’est éprise d’un tel amour que, tout
en rejetant des prétendants nobles et riches, elle menaçait de se donner la mort si
on l’empêchait de l’épouser. Ses parents, alarmés par l’attitude de leur fille,
firent venir le cynique, qui, incapable de la persuader avec d’autres raisons, se
dépouilla devant elle de ses vêtements (il était petit et laid, si bien qu’on se
moquait de lui lorsqu’il s’entraînait au gymnase : cf. D. L. VI 91 = V H 40 Gian-
nantoni) et lui dit : « Voilà ton fiancé et tout son avoir, décide-toi en consé-
quence, car tu ne saurais être ma compagne à moins d’adopter aussi mes habi-
tudes de vie » (trad. L. Paquet légèrement modifiée). Hipparchia n’hésita pas à
choisir Cratès et tout ce qu’il impliquait. Depuis ce jour, ils furent unis par ce
que Cratès lui-même appela un « mariage de chien» (≤ µ∑z`¥ß`µ ; cf. la
Souda,
s.v.
Lƒc…ä», L
2341, t. III, p. 182, 15 Adler = V H 19 Giannantoni). Hipparchia
suivait partout son époux (cf. Ménandre chez D. L. VI 93 = fr. 117, 118 Kock =
fr. 104 Koerte = V H 26 Giannantoni) et ils avaient l’habitude de consommer
publiquement leur union, même, dit-on, devant le regard stupéfait de Zénon de
Citium (Apulée,
Florides
14 = V H 24 Giannantoni), qui était trop timide pour
adhérer à l’impudence des cyniques (cf. D. L. VII 3 = V H 38).
Rejetant les activités traditionnelles de la femme grecque, Hipparchia accom-
pagna partout son mari. C’est dans un banquet chez Lysimachos (le diadoque)
qu’elle rencontra Théodore l’Athée et le confondit au moyen d’un sophisme,
comme le raconte D. L. VI 97 (= V I 1, 12-24 Giannantoni ; cf. V I 2). D’après
Diogène Laërce, pour toute réponse Théodore tenta de la ridiculiser en lui soule-
vant son vêtement, mais Hipparchia ne se laissa nullement troubler, comme l’au-
rait fait une femme quelconque. Alors, en reprenant le vers qu’Euripide,
Bac-
chantes
1236, met dans la bouche d’Agavé, Théodore lui dit ironiquement :
« Est-ce bien celle-là
qui a laissé sur le métier la navette ?
». Hipparchia répondit
hardiment à ce défi : « C’est bien moi, Théodore. Est-ce que tu penses que j’ai
mal décidé sur moi-même si je consacre à mon éducation tout le temps que j’al-
lais perdre au métier ? ».
744
HIPPARCHIA DE MARONÉE
H 138
A en croire le témoignage de Ménandre cité plus haut, Hipparchia eut une
fille que Cratès donna en mariage après l’avoir offerte à l’essai trente jours. Cela
rappelle le principe de Diogène selon lequel
…ªµ √|ß«`µ…` …° √|§«¢|ß«ñ
« µ|±µ`§
(cf. D. L. VI 72 = V B 353 Giannantoni). Par ailleurs, D. L. VI 88 (= V
H 19, 4-9 Giannantoni) emprunte à Ératosthène de Cyrène (=
FGrHist
241 F 21 ;
➳E
52) un renseignement selon lequel Hipparchia et Cratès eurent un fils du
nom de Pasiclès, homonyme du frère de Cratès qui semble avoir étudié auprès
d’Euclide de Mégare [➳E 82] (cf. Giannantoni
1,
SSR,
II A 25 et t. IV, 95-97).
D’après le témoignage d’Ératosthène, Cratès, lorsque son fils fut sorti de
l’éphébie, le mena dans un bordel afin de lui montrer le mariage que lui pro-
posait son père.
Dans la biographie laërtienne de Cratès, il y a un témoignage provenant de Dioclès de
Magnésie selon lequel la maison de Cratès aurait eu un certain rapport avec Alexandre, tandis
que celle d’Hipparchia en aurait eu un autre avec Philippe (D. L. VI 88 = V H 30 Giannan-
toni). Le passage en question semble contenir une lacune, restituée différemment par les cri-
tiques, et il reste peu précis. En tout cas, on s’accorde aujourd’hui pour dénier toute vraisem-
blance à une rencontre d’Alexandre avec Cratès (cf. Giannantoni
1,
t. IV, p. 564
sq.).
D’après
6
J. M. García González, « Hipparchia de Maronea, filósofo cínico », dans J . M. García
González et A. Pociña Pérez (édit.),
Studia Graecolatina Carmen Sanmillan in memoriam
dicata,
Granada 1988, p. 179-187, notamment p. 180 n. 5, le témoignage peut faire référence à
la destruction de Thèbes par Alexandre en 335
a
(cf. V H 31 Giannantoni) ; cette circonstance a
peut-être été la cause de l’arrivée de Cratès à Athènes dans une situation économique difficile,
et a pu donner lieu à la tradition cynique selon laquelle Cratès a renoncé volontairement à ses
possessions. En revanche, la relation de Philippe avec la maison d’Hipparchia peut répondre à
une vérité historique. A ce sujet, García González
6,
ibid.,
a émis l’hypothèse selon laquelle
Hipparchia et sa famille ont dû quitter le territoire de la Thrace à la suite de la conquête de
Maronée par Philippe à l’été 355
a
, et se sont installés à Athènes, où Hipparchia a fait la
connaissance de Cratès. García González pense qu’Hipparchia s’est unie à Cratès et à sa façon
de vivre itinérante sans la médiation de l’histoire du mariage, du moins telle que Diogène
Laërce la raconte. Il reconnaît le caractère purement spéculatif de cette hypothèse, mais il
trouve ainsi un trait d’union entre Cratès et Hipparchia, à savoir : le fait que l’un comme l’au-
tre étaient, en tant que représentants du premier cynisme, des personnages déracinés ; ce fait,
qui se trouve sans doute rattaché à l’origine du mouvement cynique, leur aurait permis de
prendre suffisamment de distance à l’égard des normes et des institutions de la cité pour les
critiquer et les rejeter. Enfin, tout en rappelant que Diogène fut un exilé de Sinope et Monime
de Syracuse un esclave, García González suggère que la destruction de Thèbes a dû jouer
aussi un rôle important dans la vie de Cratès, indépendamment de l’épisode relatif au dépouil-
lement volontaire de ses biens.
Une épigramme d’Antipater de Sidon (fl. 120
a
;
Anth. Pal.
VII 413 = V I 3
Giannantoni) met dans la bouche d’Hipparchia son renoncement aux signes exté-
rieurs de la condition féminine conventionnelle et son acceptation volontaire de
la vie forte des Cyniques. D’après cette épigramme, Hipparchia se prétendait
pour cela supérieure à la Ménalienne Atalante « autant que la sagesse l’emporte
sur les courses dans la montagne » (trad. Éd. des Places ; cf.
7
G. Giangrande,
« Beiträge zur Anthologie »,
Hermes
96, 1968, p. 167-177, notamment p. 170
sq.).
Parmi les lettres attribuées aux cyniques, on en trouve huit adressées à Hipparchia, dont
sept sont attribuées à Cratès et une à Diogène, à qui en outre on attribue une autre lettre adres-
sée aux citoyens de Maronée, pour les féliciter d’avoir changé le nom de leur ville en celui
d’Hipparchia. Bien que toutes ces lettres soient apocryphes et de basse époque (cf. Giannan-
Zgłoś jeśli naruszono regulamin