Hassan ibn Sabbah et la secte des Assassins d'Alamut par Alain Mourgue (2006).pdf

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HASSAN IBN SABBAH
ET LA SECTE DES ASSASSINS DÿALAMUT
Alain Mourgue
Alain Mourgue © 2006
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CHAPITRE 1
NAISSANCE DÿUNE SECTE
Lÿhistoire de la secte dite des Assassins dÿAlamut est liée à celle de
lÿIsmaélisme.
LÿIsmaélisme, mouvement réformateur de lÿIslam issu du Chiisme, est né à
Kufa, ville traditionnellement hostile au pouvoir abbasside de Bagdad. Le
califat Fatimide dÿEgypte en assura durant deux siècles lÿexpression
politique.
A la mort du sixième imam Jafar al Sadiq en 765, le courant chiite se sépare
en deux branches. Le fils aîné, Ismaël, est mort avant son père alors quÿil en
était lÿhéritier spirituel. La rumeur quÿil nÿest pas mort mais simplement
occulté commence à courir. Un imam occulté est, selon la tradition, un
Mahdi, celui dont on attend le retour. Les tenants de cette option vont
devenir les Chiites Septimains par référence au septième imam occulté ou
Ismaéliens. Les partisans de lÿautre fils, Musa al Kazim, réfutent
lÿoccultation. Ils sont majoritaires. On les qualifiera, plus tard de Chiites
Duodécimains, référence faite au douzième imam. A la mort de Musa al
Kazim en 799, les partisans dÿIsmaël contestent sa légitimité et celle de ses
successeurs. La rupture est consommée.
Un siècle après la mort dÿIsmaël, apparaît un personnage du nom de
Muhammad qui prétend être le fils du septième imam et avoir vécu caché.
Convainquant, il parvient à prendre la tête des Ismaéliens. En 899, à
Salamyya en Syrie, Obayd Allah surgit sur la scène religieuse en se déclarant
petit-fils de Muhammad et prétendant, à ce titre, à la direction du
mouvement. Une scission survient. Les Fatimides þ Ils se prétendent
descendants de Fatima, fille du Prophète - reconnaissent Obayd Allah mais
dÿautres le rejettent. Ce sont les Qarmates. Ils envoient secrètement à travers
le monde musulman des prédicateurs (les duÿat) particulièrement efficaces,
notamment dans les villes.
Pendant ce temps, Obayd Allah part se réfugier en Ifriqiya mais il est arrêté
sur ordre du gouverneur local dépendant de la dynastie régnante, les
Aghlabides. Sa captivité est de courte durée. Il est libéré de force par un
émissaire fatimide venu du Yémen, qui a sympathisé avec des berbères
Kutama rencontrés au pèlerinage de La Mecque.
Dès lors, les événements se précipitent.
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En 910, les Aghlabides sont renversés. Obayd se proclame Emir des croyants
et Mahdi. Il sÿempare du pouvoir et règne sur lÿIfriqiya jusquÿen 934. Son fils
Al Qalim lui succède et règne jusquÿen 945 dans sa capitale, Kairouan. Le
pouvoir stabilise la région. Les Kutamas sont sédentarisés et appuient les
Fatimides qui ne cachent pas leur intention de conquérir Bagdad tenue par
les Abbassides. La conquête de lÿEgypte est une étape nécessaire pour la
réalisation de ce projet. Plusieurs tentatives ont lieu. En 919, Alexandrie est
prise mais la victoire décisive ne se produira quÿen 969. Les Fatimides
parviendront à se rallier les populations du delta du Nil en fournissant des
vivres au moment où lÿEgypte traversera une grave crise économique.
A la veille de lÿassaut Fatimide, lÿEgypte est dirigée par un gouverneur
dÿorigine turque, un Irchidide. A sa mort, un affranchi éthiopien nommé
Kafur prend les rênes du pouvoir en attendant que le fils du gouverneur
défunt puisse gouverner. Kafur meurt en 968. La situation politique de
lÿEgypte devient instable. Un régent, gouverneur de Syrie et Palestine, est
nommé pour assurer lÿintérim du pouvoir mais les troubles en Syrie
lÿempêchent de prendre ses nouvelles fonctions. LÿEgypte est en proie à la
rivalité des factions, en particulier entre lÿarmée Irchidide et les troupes
nubiennes dÿune part et des civils conduits par Ibn el Furat, ancien Vizir de
Kafur, dÿautre part. Les Fatimides profitent du chaos ambiant pour infiltrer
des espions et des agitateurs à Fustat, la capitale égyptienne fondée lors de
la conquête arabe. Des pamphlets anti-Abbassides commencent à circuler.
Le pouvoir de Bagdad est déclaré illégitime en faisant référence à lÿéviction,
par les Abbassides, des partisans de �½Ali, cousin du Prophète et dernier des
« califes bien guidés ». Lÿancêtre des Abbassides, Abbas, est même mis en
cause. Les agitateurs pointent du doigt la corruption de la cour de Bagdad et
reprochent aux dirigeants impériaux dÿavoir abandonné le jihad.
Les Fatimides décident dÿattaquer. Lÿassaut se fait par mer et par terre.
Lÿarmée du général Jawhar, un ancien esclave, campe sur le plateau de
Guizèh. Un accord est passé entre les civils égyptiens et les Fatimides.
Jawhar accepte lÿAman, cÿest-à-dire la sauvegarde des vies et des biens des
vaincus. Il accepte, en outre, le maintien des fonctionnaires et des écoles de
droit religieux dÿobédience malikite et safihite. Les vainqueurs renoncent à «
lÿismaélisation » de la société égyptienne.
Contre toute attente, les militaires égyptiens refusent lÿAman et veulent en
découdre. Une émeute éclate à Fustat. LÿAman est donc retiré. Lÿassaut est
lancé. Lÿarmée égyptienne est balayée en juillet 969.
Aussitôt, Jawhar décide la création dÿAl Qahira ou le Caire, cÿest-à-dire « La
Victorieuse » qui sera la nouvelle capitale. Les ralliements aux Fatimides
vainqueurs se multiplient. Les fonctionnaires sont laissés en place mais
souvent doublés par des fonctionnaires issus des rangs des vainqueurs.
Contrairement à Fustat, le reste du pays résiste. La répression est féroce.
Profitant de cette confusion, une révolte qarmate éclate en 971. Une coalition
de Syriens sunnites, de Qarmates et de Turcs hirchidides attaquent le jeune
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pouvoir fatimide. Les assaillants atteignent Le Caire mais sont repoussés.
Beaucoup de Qarmates sÿinstallent dans le delta et se soulèvent à nouveau
en 974.
En 975, Al Aziz est Calife-Imam dÿEgypte. Il va régner jusquÿen 996. Peu à
peu lÿarmée est réorganisée mais elle devient le centre de tensions entre les
Turcs et les Nubiens qui en viennent à se combattre en 1066. Les Turcs
lÿemportent lÿannée suivante et leur force commence à devenir une menace
pour le califat, au point que le Calife fait appel au gouverneur de Palestine
pour reprendre en main les affaires. Badi al Jamali, dÿorigine arménienne,
arrive accompagné de milices. Lÿordre est rétabli. Al Jamali devient Vizir et
chef de lÿarmée.
Lÿuniversité dÿAl Azhar est créée. Elle est un centre dÿenseignement de
lÿismaélisme.
Entre 996 et 1021, le Calife Al Hakim, successeur dÿAl Aziz, se lance dans
une politique de persécution contre les non-ismaéliens. Son fanatisme le
pousse également à faire démolir lÿéglise du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Il
semble être très influencé par un de ses proches, Hamza al Darazi qui va
jusquÿà suggérer au Calife quÿil est dÿessence divine ! On rapporte quÿAl
Darazi entra, un jour, à cheval dans une mosquée et obligea les lecteurs du
Coran à lire un texte proclamant que Al Hakim était Dieu. Il est facile
dÿimaginer lÿémoi et la réprobation que de tels agissements pouvaient
soulever parmi le peuple. Des émeutes finissent par éclater. Al Darazi doit se
réfugie en Syrie où il y répand ses idées. Les compagnons dÿAl Darazi
deviendront les Druzes dont les descendants occupent de nos jours une
partie de la montagne libanaise.
Quant au calife Al Hakim, il est assassiné lors dÿune de ses virées nocturnes
affublé dÿun déguisement.
En 1036, al Mustansir monte sur le trône. Son règne sera le plus long de
lÿhistoire du monde musulman. Il meurt en 1094 ouvrant une succession
califale contestée qui va générer une nouvelle crise politico-religieuse dont
lÿissue tragique sera lÿémergence dÿun courant radical de lÿismaélisme : Le
Nizârisme.
Les deux fils dÿal Mustansir, Nizâr et Must �½Ali, se disputent la succession.
Le fils cadet, MustÿAli, ayant été investi de lÿimamat par son père, prend le
pouvoir.
Nizâr, son frère aîné, se rebelle contre une situation quÿil juge injuste. Il
réclame le pouvoir et veut réaliser le vieux rêve des Fatimides : Renverser
les Abbassides sunnites et illégitimes. Nizâr sait quÿil peut compter sur
lÿappui dÿun iranien de confession ismaélienne du nom de Hassan ibn
Sabbah quÿil a rencontré quelques années auparavant à la Cour. Lÿhomme
mène depuis près de quatre ans le combat contre les Turcs depuis sa
forteresse dÿAlamut près de la mer Caspienne. Entouré de partisans fidèles,
il a créé une principauté ismaélienne.
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La défaite de Nizâr met à mal lÿespoir dÿun renversement des Abbassides et
des Seljukides.
Toutefois, Hassan ibn Sabbah ne renonce pas à la lutte sans merci quÿil a
engagé contre les Seljukides.
La majorité des Ismaéliens, bien quÿhostile au pouvoir sunnite et
probablement assez bienveillante à lÿégard de lÿengagement radical de
Hassan, refuse de le suivre.
Désormais, il conviendra de distinguer les Ismaéliens des partisans radicaux
du malheureux Nizâr et de Hassan, les Nizârites.
Nourri dÿune radicalité religieuse sans faille et dÿune hostilité farouche à
lÿégard des Seljukides, Hassan poursuit un combat de longue haleine où
tous les coups seront permis : Propagande, ruses, dissimulation, batailles,
menaces et assassinats.
Retranchés dans leur région montagneuse, ceux que lÿon qualifierait de nos
jours de commandos-suicide terroristes, instillent la peur parmi tous les
princes du Moyen-Orient musulman et chrétien durant au moins deux
siècles, par leur capacité à sÿapprocher incognito de leurs victimes et à les
assassiner spectaculairement sans crainte apparente de la mort. Ils nous ont
laissé un nom : Assassins.
Alain Mourgue © 2006
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